Journal de l’Islam en Europe et dans le Monde Méditerranéen

Journal de l’Islam en Europe et dans le Monde Méditerranéen


La naissance d’une revue sur l’islam en Europe et dans le Monde Méditerranéen ne peut s’exonérer d’un regard rétrospectif et critique sur le champ dans lequel elle s’insère. Ainsi pour le premier numéro de Journal de l’Islam en Europe et dans le monde Méditérranéen Nous souhaiterions revenir sur l’histoire de la connaissance scientifique de l’islam en Europe.
Les recherches sur l’islam en Europe naissent d’un double dynamique : l’ancrage progressif de communautés musulmanes dans chacun des pays européens qui revendiquent la reconnaissance d’une pratique religieuse désormais locale. C’est également, côté scientifique, le passage d’une recherche sur les migrations contemporaines à la connaissance de populations et communautés implantées. Or cette connaissance académique ne se traduit pas par la reconnaissance pleine et entière des musulmans en Europe.
(L’idée est de dire ici sans employer « sociologie » qu’on passe des migrations à la religion ; et dans les débats publics du travailleur au musulman)
Assez logiquement, la structure des champs scientifiques nationaux va mener à une analyse de l’émergence d’un islam européen. Cette question est peu dissociable de celle des transformations de la connaissance scientifique et notamment de la recherche sur projet et de l’apparition des financements européens (European Research Council) qui favorisent les coopérations scientifiques à l’échelle du continent.
L’objet de ce premier numéro est donc de porter un regard rétrospectif sur la naissance et le développement de l’étude de l’islam en Europe ainsi que des conséquences de la connaissance accrue de cette religion. 3 axes peuvent être évoqués.
1. En premier lieu, un état de l’art disciplinaire et institutionnel. Quelles sont les disciplines qui ont pensé l’islam en Europe ? Assez logiquement, la sociologie et notamment la sociologie des religions a pris une place remarquable dans le développement de ces études. Mais il conviendrait aussi de s’interroger sur la connaissance économique, historique, théologique ou artistique. Dans la continuité de ce travail, il est intéressant de questionner les centres historiques (Louvain La Neuve, Florence, Paris, Aix-en-Provence, Madrid ou Londres) et les personnalités académiques (Dassetto, Marechal, Allievi, Amiraux, Cesari, Khosrokhavar, Beckford, Van Bruinessen) qui ont inauguré ces études et cette tradition.
2. En second lieu il convient de s’intéresser aux approches dominantes des disciplines étudiant l’islam en Europe. Si la sociologie des religions a principalement axé ses recherches sur la pratique et la structuration d’une représentation à l’échelle européenne, la science politique s’est emparée de la question sous l’angle des mobilisations et des controverses ; l’histoire sur les relations entre l’islam et l’Europe au fil des siècles etc. Nous serons attentifs aux traditions disciplinaires nationales et aux approches théoriques privilégiées par ces recherches.
3. Enfin, nous proposons de compléter cette entreprise rétrospective par un regard critique de cette production et de ses conséquences socio-politiques. Un premier constat est de considérer l’écart entre la production académique et la diversité de ses réceptions politiques. La connaissance accrue d’une religion ne produit pas toujours des représentations apaisées sur celle-ci. Des débats et controverses émergent dans plusieurs pays sur des thématiques liées à la pratique de l’islam : la façon de se vêtir (le voile en France et en Belgique ; l’interdiction de la burqa dans plusieurs pays européens) ; la construction des lieux de culte (Torrekens en Belgique) ; les courants principaux (Frères Mus et Marechal). D’autres controverses touchent des questions centrales de l’islam émergent (l’islamophobie ; le marché hallal, etc.)